" Au même titre que l'agriculture urbaine a été réintroduite par des situations de crise tel que le blocus cubain des années 90 ou les famines en Indes ou en Afrique dans les ville étendues, l'habitat mobile porte les prémisses de solutions dans un monde en transition. Au delà d'une conséquence de précarité, ce mode d'habiter questionne profondément nos modes de vie et leurs limites. Si l'agriculture urbaine s'attaque particulièrement à la question des effets néfastes de la mondialisation et de l'interdépendance des territoires sur la sécurité alimentaire, l'habitat mobile interroge sérieusement la notion de frontière et de droit au sol, par exemple. Ayant moi même par aspiration et inspiration expérimenté la vie nomade je me suis longtemps questionnée sur les motivations d'une telle expérience, ayant eu la chance de ne pas envisager ce mode de vie par obligation mais par choix. C'est en voyageant en Australie en camion que j'ai mûri mes réflexions sur ce que pouvait être les attraits de la mobilité de l'habitat et entre autre, les raisons pour lesquelles , moi et beaucoup de jeunes gens de notre génération y aspirait aujourd'hui, pour le moins temporairement.
Je me risque à un rapprochement rapide avec mon peu de connaissances de la culture Aborigène (c'est une culture orale et très secrète), car quelques lectures et beaucoup de conversations ont alimenté mes réflexions. Les songlines ou dreaming tracks des aborigènes, décrivent entre autres les terres australes par le voyage ( Chatwin B. (1988), The Songlines, Edition: Penguin Books). Il s'agit d'une approche de l'homme au territoire par le mouvement. Cette culture, comme les cultures nomades, induit un rapport diffèrent à l'environnement qui résulte d'une approche différente du droit du sol, de la consommation , de l'usage du temps et de la connaissance de la nature. Ceci pose d'ailleurs des problèmes évidents de compréhension et d'intégration avec les cultures sédentaires, la situation des aborigènes en Australie ou les revendications Touareg en sont quelques symptômes. Notre société affiche aujourd’hui une aspiration à se reconnecter avec la nature et l'environnement. Architectes et urbanistes se penchent sérieusement sur cette question, sur les moyens de reconscilier nature et installation humaine (Paquot T. et Younès C., (2010) Philosophie de l’environnement et milieux urbains, Edition: La Découverte; Beatley T., (1957), Biophilic Cities, Edition: Island Press). Il ne serait donc pas inapproprié de s'intéresser aux leçons que le mode de vie nomade peut nous apporter et que la vie sédentaire nous a fait oublier, à force de recherche de sécurité et de confort. Ainsi, la limitation de l'espace habitable (habitacle), une capacité de mobilité et une volonté de ne pas impacter sur le territoire, induisent des solutions ingénieuses, compatibles à celle de la volonté de ne pas impacter sur l’environnement . Avec la mobilité se pose rapidement la question de l'économie de moyen et d'énergie. A la société de consommation s'oppose le modèle d'un rapport d'équilibre. Aujourd'hui, en terme d'écologie, on appellerait ça un bilan carbone 0, une empreinte écologique nulle, je préfère l'idée de balance....Chez les aborigène ce phénomène se traduit par un principe très simple : tout ce qui est pris à la nature doit lui être restitué , et pour cela on considère le cycle complet des éléments. Notre société parle aujourd'hui de cycle court, de recyclage.
Pour ce qui est des biens matériels, sans pour autant parler d'austérité, on constate rapidement que la notion d'accumulation est très limitée dans la vie de voyageur, et le rapport au bien matériel devient différent. S'établit rapidement une notion d'essentiel et de superflus qui possède une logique tout autre que celle du sédentaire d'aujourd'hui. On fait un pas contre la sur-consommation: on diversifie les usages, on réutilise, on répare, on recycle. Le changement d’environnement demande une grande créativité et flexibilité d'adaptation, capacité d'adaptation qui est à la base de la notion de résilience qui parcourt aujourd'hui nos têtes éclairées. Ingéniosité, créativité, réorientation, réorganisation, mise en valeur, et tout ça sur un laps de temps beaucoup plus court que celui du dessin de la ville, autant de qualités qui me fascinent chez les habitants du mobile, dans le mode d'habitat hors-sol. Cette attitude demande une attention particulière à notre environnement. Quelles sont les ressources disponible ? ( c'est valable dans un environnent urbain , comme naturel : une source d'eau ou une borne incendie, du bois ou une prise 220v...). Qu'est ce qui représente un atout, un obstacle ? (les animaux ou les hommes...). Bref,c'est de l'intégration environnemental au sens stricte, puisqu'encore une fois l'impact construit doit être nul. Il y a les vents, le soleil, la pluie, la chaleur, le froid, les reliefs, les bâtiments, la qualité du sol. Toutes les données du paysages sont re visitées de manière très pratique: un arbre est une ombre, un abris , une cachette, une source de nourriture, de chaleur.
Enfin la mobilité place l'homme dans un état de contemplation, c’est le bénéfice du changement. Le rapport au temps et à l'espace est différent, le mouvement du corps et des objets s'inscrit dans une expérience concrète du territoire, loin du piège virtuel de nos sociétés contemporaines. Le contact avec les autres aussi est modifié: les rencontres sont plus fréquentes, qu'elles soient bonnes ou mauvaises ; on expérimente plus directement le rejet et la solidarité. Bref, il me semble qu'un nouveau champ de connaissances s'ouvre à l'homme de nos sociétés occidentales avec la vie nomade. Et ce savoir, à mon avis, peut en beaucoup de point éclairer la société dans son évolution. Si vous en doutez, alors prenez la route... "Il est préférable de mourir en route pour un idéal trop élevé que de ne pas partir du tout." (Origène)."
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